Ultra-cyclisme et bikepacking : les voyages d’Avril Laheurte

Avril Laheurte est devenue ultra-cycliste un peu par hasard, à la recherche d’un nouveau souffle après une période difficile. Depuis, elle a réussi à trouver un équilibre en se challengeant sur des courses longue distance, non pas pour la performance, mais pour se reconnecter à elle-même et vivre une aventure intérieure. Dans cet entretien, elle revient avec sincérité sur ses doutes, ses défis, ses astuces, et partage ses conseils pour tous ceux qui veulent se lancer dans le bikepacking et l’ultra-distance, avec plaisir et authenticité.

Entretien avec Avril Laheurte, championne d’ultra-cyclisme

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Avril Laheurte, j’ai 32 ans et je vis près de Besançon. J’ai repris mes études pour devenir diététicienne spécialisée dans les troubles alimentaires. Passionnée de d’ultra-cyclisme (et de sport en général), j’ai participé à la Race Across France sur plusieurs distances et ai participé à beaucoup de courses de vélo longue distance. Il m’arrive aussi de courir en trail pour préparer mes prochains défis à vélo !

De quelle manière l’ultra-distance est arrivée dans ta vie ? Comment se sont passés tes débuts ?

Je suis arrivée dans l’ultra-cyclisme un peu par « hasard » en 2021. Je faisais déjà du vélo depuis longtemps mais à la suite d’une période difficile de ma vie, j’ai ressenti le besoin de me « reconnecter avec moi-même ». L’idée que j’ai eu était plutôt simple : descendre dans le Sud à vélo ! Comme j’habite à Besançon, cela voulait dire que je devais traverser les Alpes. Ma plus grosse sortie était de 250km, alors un beau défi s’annonçait. J’ai rapidement commandé des affaires et je me suis lancée ! Je suis venue à bout de cette traversée des Alpes à vélo accompagné par un sentiment de liberté immense, qui m’a beaucoup apporté à ce moment là. J’en avais besoin et ce voyage personnel m’a poussée à remettre en question beaucoup de choses dans ma vie. Me lancer dans l’ultra-cyclisme m’a permis de construire quelque chose qui avait du sens pour moi, de me relancer un défi sportif qui m’a sauvé de cette période de vie qui m’a été tellement difficile à vivre. Je me suis dit : « Il faut que je me donne les moyens de faire 1000km dans 6 mois. » Avoir cette ligne directrice m’a aidé à avancer.

Qu’est-ce que l’ultra-distance représente pour toi, au-delà de la performance ?

J’ai une relation très particulière à l’ultra-cyclisme ! Je ne vois pas ça comme un exploit ou quelque chose du genre. Moi, c’est plutôt quelque chose qui s’est avéré libérateur au niveau mental et de ma personnalité. J’ai déjà utilisé l’expression en répondant à la question précédente, mais j’aime bien voir l’ultra-cyclisme comme un voyage introspectif.

Comment vis-tu les moments de doute ou de fatigue intense pendant une course d’ultra-cyclisme ou un défi en bikepacking ?

Sur des courses d’une aussi longue distance, les moments de doute sont forcément nombreux ! Avec le temps, j’ai expérimenté quand-même pas mal de façons de les vivre et de les surmonter. Lorsque j’ai vraiment commencé l’ultra-cyclisme, je n’avais pas d’attente particulière concernant la pratique, si ce n’est voyager et vivre quelque chose de similaire à ce que j’avais déjà vécu sur ma traversée des Alpes. Ma première année m’a donnée l’impression de revivre après ma période difficile, et c’est ce dont j’avais besoin.

La deuxième année, où j’ai voulu me tester sur la distance 2500km, fut un peu plus compliquée. J’ai été prise de doutes dès le départ de cette course, mais j’avais tellement envie de faire une telle distance qu’après coup, j’ai un peu la sensation de m’être un peu menti à moi-même. Je pense que physiquement et mentalement, je n’étais pas encore capable de réaliser une distance comme ça mais j’avais tellement envie de repartir en voyage que je n’ai pas assez écouté les signaux que m’envoyaient mon corps et ma tête. Alors dès la première nuit sur le 2500km, ça été très compliqué. Mes règles se sont invitées juste avant le départ et elles ont été très compliquée à gérer car hémorragiques et douloureuses. En y réfléchissant de nouveau, je pense que j’ai pris le départ avec le mauvais « mindset ». J’étais sortie de l’idée du voyage introspectif parce que j’avais besoin de me prouver des choses, d’extérioriser tout ce que je gardais sur la conscience. Je me suis en quelque sorte vengée de ces douleurs présentes dans mon esprit, sur mon propre corps. Les conséquence sur la course ont été que je me suis retrouvée complètement désunie, déconcentrée. Je me suis beaucoup fatiguée inutilement et au final j’ai fait des erreurs que je n’aurais pas du faire. J’étais sur le vélo sans y être.

Pour en revenir aux doutes, j’essaye toujours de les mentaliser pour mieux les rationaliser ensuite. J’essaye d’en voir les bons côtés, pour que en faire un boost plutôt qu’un frein à mon voyage. Ça prend pas mal de ressources de faire ça, mais ça permet de devenir vraiment acteur pour ne pas subir ces périodes de doute. À la fin, on trouve toujours une solution ! Réussir à avoir cette démarche mentale m’a beaucoup rassurée, et j’arrive mieux à accepter ces périodes de doute parce qu’elles font aussi parties de la pratique de l’ultra-cyclisme. Ces doutes forcent un peu une remise en question qui nous fait grandir, avancer et on devient alors vraiment « moteur » de notre projet.

Tu aurais quelques anecdotes à partager ?

Bien sûr ! Plus il y a de kilomètres, plus il y a d’histoires à raconter !

La première se déroule pendant mon premier 1000km lors de la Race Across France en 2022, où j’ai chutée après m’être endormie sur le vélo. Sur le coup, je n’ai pas vraiment senti la douleur mais après m’être reposé un peu, je me suis rendu compte que je ne pouvais plus tendre le bras. J’ai quand même repris la route le lendemain mais au fil de la journée, des douleurs à la nuque et à l’épaule sont venues s’ajouter aux gênes déjà présentes.. Après une seconde nuit, ma tête ne tenait plus toute seule, signe d’une entorse cervicale. J’ai passé toute la journée suivante (environ 300km) à essayer de trouver une solution pour la faire tenir et soulager les muscles de mon cou qui n’arrivaient plus à faire leur travail. Après de multiples essais de rembourrage et quelques minerves, il me restait encore 150 kilomètres à parcourir pour rejoindre la ligne d’arrivée et j’étais un peu désespérée. Mais je voulais vraiment finir cette course et la douleur présente n’était pas suffisante pour me faire abandonner. En fouillant dans mes sacoches, je suis tombé sur une chambre à air et j’ai eu l’idée de la tendre entre l’arrière de ma selle et l’avant de mon casque pour maintenir ma tête levée et me permettant de venir à bout des derniers kilomètres de cette Race Across France 1000. Au final, réussir à venir à bout de cette aventure malgré ma chute et mon cou blessé a peut-être même embellit ma course, car j’ai réussi à trouver une solution à une situation que je pensais perdue.

Autre anecdote, pendant l’Extreme Vosges en octobre 2022. Pour poser le contexte, le parcours de cette course est très difficile (j’ai réussi à le terminer en mai 2023), et la température automnale se rajoute aux composants à gérer. Et oui, les Vosges en octobre, c’est plutôt frais ! Je me suis retrouvée en état d’hypothermie dans la descente de la Planche des Belles Filles, en pleine nuit. À un moment, des chevreuils ont traversés la route devant moi et mon cerveau a interprété ça comme étant des antilopes, comme si il avait « switcher » en mode « savane ». À partir de ce moment, j’ai commencé à avoir des hallucinations en voyant des éléphants, des girafes… En y repensant, c’était quand-même assez drôle d’imaginer des animaux de la savane au milieu des Vosges en pleine nuit ! On m’a récupéré en voiture dans un sacré état (j’ai mis plus de 10h à retrouver un petit 36 degrés de température corporelle).

Qu’est-ce qui, selon toi, fait vraiment la différence pour tenir dans la durée (sur la course/aventure et dans la préparation) ?

Pour moi, c’est la notion de plaisir, que ce soit au niveau des courses ou de l’entrainement. Cette année j’ai ajouté pas mal de course à pied, du trail, de la muscu.. J’ai bousculé mes codes établis en me préparant différemment et j’y ai pris beaucoup de plaisir. J’ai ressenti moins de lassitude, je me sens plus forte physiquement et ça a été très bénéfique au niveau du mon mental. Maintenant, à voir si cela porte ses fruits en terme de performance mais pour moi, le secret pour garder la même assiduité durant toute une préparation, c’est le plaisir. En course, c’est la même chose : essayer de savourer chaque moment, même les moments de moins bien parce qu’ils font partis de l’aventure à part entière. Quand ça ne va pas, il faut se raccrocher aux choses qui nous tiennent à coeur et qui nous poussent à aller plus loin, et généralement, c’est de ça dont on tire les meilleurs souvenirs. Un peu comme dans la vie au final ! J’aime bien me dire : »Il ne peut pas y avoir de soleil, s’il n’y a pas de nuit ».

Quels conseils donnerais tu à quelqu’un qui veut se lancer sur des aventures à vélo longue distance ?

Le meilleur conseil que je pourrais donner, c’est d’oser. Oser, mais avec bienveillance envers soi-même. Ne pas suivre la logique du « toujours plus » que l’on retrouve beaucoup dans nos sociétés actuelles et vouloir aller directement sur quelque chose de très long, mais plutôt suivre son instinct en écoutant ses besoins et son corps. Évidemment, la notion de plaisir est importante ! C’est essentiel de se rappeler pourquoi on a envie de faire ça pour pouvoir s’y raccrocher et se donner les moyens de réussir !

Quelles sont tes prochaines échéances (à vélo ou à pied !) ?

Pour la course à pied, j’ai un trail en duo à Volvic (2x40km) avec mon frère. C’est l’occasion de partager un joli moment de sport en famille. L’année prochaine, j’aimerais bien l’emmener avec moi sur un défi à vélo ! Quelques jours après, je m’aligne de nouveau au départ de la Race Across France 2500 ! La suite découlera de mon vécu sur la course. Je préfère être à l’écoute de mon corps et ne pas projeter trop de choses après une course aussi longue ! Mais si ça se passe bien, je pourrais faire un bel été !
*Questions posées fin mai 2025 => Avril a depuis couru son trail en duo ainsi que la Race Across France 2500, qu’elle a brillamment remportée.

Un dernier mot ? 

Suivre son coeur et faire ce qui a vraiment du sens pour nous, sans se limiter à ce que les autres pensent. Se forger en expérimentant, aller à l’exploration de ses limites pour aller au bout de ses envies. Peu importe si on y arrive, il y a toujours des bonnes choses qui en découlent et c’est le plus important.


Merci d’avoir répondu à nos questions Avril ! On te souhaite la plus belle des saisons, et le plein de réussites !

Vous pouvez retrouver toutes les aventures d’Avril Laheurte sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/laheurteav/ ainsi que son livre « Sans (re)père(s) » juste ici : https://www.editions-maia.com/livre/sans-reperes-laheurte-avril-9791042504090/


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Merci de votre lecture,

Hugo

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